La France fait face à une onde de choc économique et politique après que l’agence de notation Fitch a abaissé la note de crédit du pays de « AA- » à « A+ ». Cette décision, motivée par une instabilité politique croissante et des finances publiques jugées fragiles, a ravivé les débats sur la gestion du pays et provoqué des remous sur les marchés financiers, où la dette de l’État français est désormais perçue comme plus risquée que celle de certaines de ses plus grandes entreprises.

Une sanction motivée par l’instabilité politique et la dette

Dans son rapport publié le 12 septembre, Fitch a souligné que « les divisions et la polarisation politiques se sont intensifiées », faisant directement référence à la récente motion de censure qui a fragilisé le gouvernement. L’agence de notation a exprimé des doutes quant à la capacité et à la volonté de l’exécutif de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour réduire le déficit budgétaire et assainir les comptes publics. Ce n’est pas la première alerte : il s’agit du deuxième abaissement de la note française en près de deux ans, après une première dégradation de « AA » à « AA- » en 2023. Avec la note « A+ », la France se retrouve désormais un cran en dessous du Royaume-Uni et de la Corée du Sud, et au même niveau que la Belgique, une situation qui alimente les inquiétudes sur la crédibilité financière du pays au sein des grands acteurs européens.

Réactions officielles et critiques acerbes

Face à cette annonce, le gouvernement a tenté de rassurer. Le ministre des Finances, Éric Lombard, a affirmé que si les « préoccupations de Fitch sont compréhensibles », les « fondamentaux de l’économie française restent solides ». Il a également insisté sur le fait que des mesures étaient en cours pour restaurer la trajectoire des finances publiques. Cependant, cette défense peine à convaincre. Au sein même de la classe politique et dans les médias, les critiques fusent, dénonçant un « déni de la réalité » et une « fuite des responsabilités ». L’ancien Premier ministre François Bayrou a vivement critiqué le gouvernement sur Twitter, décrivant une « France où les élites nient la vérité et où le peuple en paiera le prix ». Le journal Le Monde analyse cette dégradation non pas comme un simple ajustement technique, mais comme le symptôme d’une « faiblesse structurelle du système politique français ».

Un phénomène inédit : quand les entreprises sont jugées plus sûres que l’État

La réaction la plus spectaculaire est venue des marchés financiers. Un phénomène exceptionnel, rapporté par le Financial Times en se basant sur des données de Goldman Sachs, a vu les taux d’intérêt des obligations de plusieurs fleurons de l’économie française passer en dessous de ceux des obligations d’État de même échéance. Des entreprises comme L’Oréal, Airbus, AXA ou encore le géant du luxe LVMH peuvent désormais se financer à des conditions plus avantageuses que la République française. C’est une inversion totale de la logique financière, qui considère normalement la dette souveraine comme l’« actif sans risque » par excellence, car un État est en principe moins susceptible de faire faillite qu’une entreprise. Le fait que les investisseurs fassent davantage confiance à ces multinationales qu’au gouvernement français est un signal puissant de la dégradation de la crédibilité de l’État.

Les causes d’une inversion historique

Cette situation s’explique par une combinaison de facteurs. La principale raison est la crise politique, marquée par la démission du Premier ministre François Bayrou la semaine dernière, la deuxième en à peine un an. Cette instabilité a renforcé la méfiance des investisseurs. Karsten Junius, économiste en chef à la banque privée J. Safra Sarasin, a commenté que « les obligations d’État françaises ne sont plus un actif sans risque », un phénomène habituellement observé sur les marchés émergents.

Toutefois, des raisons plus techniques entrent aussi en jeu. Selon Mike Riddell, gérant de fonds chez Fidelity International, un déséquilibre entre l’offre et la demande accentue le phénomène : « Le gouvernement continue d’émettre massivement de la dette, tandis que les entreprises sont plus prudentes ». Cette surabondance d’obligations d’État pousse leurs rendements à la hausse. Par ailleurs, un rallye mondial sur le marché du crédit d’entreprise a réduit les primes de risque à des niveaux historiquement bas. M. Riddell met cependant en garde contre un risque de « bulle » qui pourrait éclater en cas de nouvelle crise économique.

Un marché à deux vitesses et des risques futurs

Si les grandes entreprises bien notées bénéficient de cette situation, le tableau est bien différent pour les sociétés plus fragiles. Les entreprises des secteurs de la distribution ou des télécommunications, plus exposées au ralentissement de la consommation, voient leurs coûts d’emprunt augmenter. Des groupes comme le distributeur Casino ou les sociétés Colisée et Serva, détenues par le fonds EQT, sont devenus des cibles pour les fonds spéculatifs (hedge funds). Cette dégradation de la signature de la France pourrait également compliquer l’attraction des investissements étrangers et peser sur les discussions relatives à la stabilité financière commune au sein de l’Union européenne.